Les Médias Occidentaux sont-ils Complices du Génocide à Gaza ?

La grande majorité des médias occidentaux présentent un cadre narratif biaisé en recourant au discours de la « lutte contre le terrorisme » pour justifier les actions israéliennes. Dans le langage journalistique, les attaques de l’armée israélienne sont souvent décrites comme de la « légitime défense » ou comme des « pertes accidentelles », tandis que les actions des groupes de résistance palestiniens sont étiquetées comme de « sauvages attaques terroristes ».
août 15, 2025
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Face au drame humain qui se poursuit à Gaza, l’attitude des médias occidentaux s’avère, de manière préoccupante, empreinte d’un double standard, réduisant la Palestine au silence, légitimant Israël et se rendant complices d’un génocide. Bien que les actions d’Israël à l’encontre des Palestiniens portent clairement les signes du crime de génocide tel que défini par le droit international, les organes médiatiques qui influencent l’opinion mondiale se sont montrés réticents à le reconnaître ; certains ont même choisi explicitement la voie du déni ou de la justification. Cette complicité discursive ne se contente pas de déformer la réalité : elle crée également un terrain favorable permettant à Israël d’échapper à toute reddition de comptes.

Le 22 juillet 2025, Bret Stephens, éditorialiste du New York Times, a publié un article intitulé « Non, Israël ne commet pas de génocide à Gaza » pour s’opposer à ceux qui qualifient de « génocide » le massacre de masse en cours dans la bande de Gaza. Dans ce texte, Stephens avance l’argument absurde selon lequel, si le gouvernement israélien avait réellement l’intention de commettre un génocide, il devrait agir de manière « plus méthodique et bien plus meurtrière », laissant ainsi entendre que la mort de dizaines de milliers de civils ne suffirait pas. Or, de nombreuses agences des Nations unies et des organisations internationales comme Amnesty International qualifient déjà les actions d’Israël de génocide. L’article de Stephens peut être considéré comme un exemple frappant de la tendance des médias occidentaux à nier ce qui se passe à Gaza ou à excuser Israël. La grande majorité des plateformes médiatiques respectées en Occident édulcorent la politique d’extermination systématique menée par Israël contre les Palestiniens et, ce faisant, normalisent le génocide, devenant en quelque sorte les « complices médiatiques » d’un génocide.

La Négation du Génocide par les Médias

La manière dont les médias occidentaux traitent les événements à Gaza coïncide le plus souvent avec le discours officiel israélien et minimise les atrocités subies par les Palestiniens. Par exemple, Stephens, tout en reconnaissant que l’armée israélienne a déjà tué près de 60 000 Palestiniens selon les chiffres officiels, estime que ce nombre n’est « pas assez élevé », minimisant ainsi la définition même du génocide. Pourtant, dès novembre 2024, le nombre d’enfants tués à Gaza dépassait déjà les 17 400. Ces chiffres, à eux seuls, sont terrifiants ; mais le fait que des personnes comme Stephens en attendent davantage équivaut à une négation ouverte du génocide. Cette approche, largement répandue dans les médias occidentaux, diffuse l’idée qu’il n’existerait pas de preuves démontrant qu’Israël tue délibérément des dizaines de milliers de civils. Or, si l’on prend en compte les bombardements répétés contre des hôpitaux, des écoles et des abris, et le fait que plus de 17 000 enfants aient été tués en 13 mois, il devient évident qu’un tel massacre ne peut pas être qualifié « d’accident ».

La grande majorité des médias occidentaux présentent un cadre narratif biaisé en recourant au discours de la « lutte contre le terrorisme » pour justifier les actions israéliennes. Dans le langage journalistique, les attaques de l’armée israélienne sont souvent décrites comme de la « légitime défense » ou comme des « pertes accidentelles », tandis que les actions des groupes de résistance palestiniens sont étiquetées comme de « sauvages attaques terroristes ». Ce double standard inverse les rôles de la victime et de l’agresseur aux yeux de l’opinion publique occidentale. Ainsi, après les événements d’octobre 2023, de nombreux grands médias ont diffusé, sans les vérifier, des désinformations émanant d’Israël. Par exemple, des chaînes comme CNN et France 24 ont fait la une pendant des jours avec l’accusation non étayée selon laquelle « des bébés avaient été décapités » ; mais lorsqu’il s’agissait d’hôpitaux ou d’abris bombardés à Gaza, causant la mort d’enfants, ces mêmes médias se contentaient de relayer sans questionner les déclarations israéliennes. Cette cécité sélective des médias occidentaux crée une perception qui nie pratiquement la valeur humaine des Palestiniens.

Dans ce contexte, la déshumanisation systématique des Palestiniens occupe une place importante dans le discours occidental. Tandis que des hauts responsables israéliens qualifient les Palestiniens « d’animaux », ce discours est rarement repris de manière critique par les médias occidentaux, qui n’exposent pas Israël à un véritable examen. Certains chroniqueurs n’ont même pas hésité à comparer les habitants de la région à des nuisibles. Ainsi, Thomas Friedman a publié un article comparant le Moyen-Orient à un documentaire « Animal Planet », dénigrant les populations locales par le biais de métaphores animales dégradantes. Dans un tel climat, les victimes palestiniennes sont réduites, aux yeux du lecteur, à de simples statistiques ou à des masses anonymes présentées comme une « menace pour le monde civilisé ». Même les enfants palestiniens se voient refuser, dans le langage médiatique, le statut d’innocents. Par exemple, la BBC a qualifié de « jeune demoiselle » Hind Rajab, une fillette de quatre ans tuée d’une balle dans le dos par un soldat israélien, alors que, dans le même reportage, les otages israéliens étaient décrits comme des « femmes et enfants ». Ce choix de mots visant à exclure les enfants palestiniens de la catégorie d’« enfant » illustre parfaitement le concept de « dé-enfantisation » (unchilding) défini par l’universitaire Nadera Shalhoub-Kevorkian. De tels discours minimisent la souffrance des victimes palestiniennes et empêchent que les crimes commis reçoivent la réaction qu’ils méritent de la part de l’opinion publique occidentale.

 Ciblage des Journalistes et Attaque contre la Liberté de la Presse

Les journalistes palestiniens courageux, qui risquent leur vie pour révéler au monde la réalité, sont ceux qui ont le mieux documenté l’ampleur du massacre en cours à Gaza. Israël s’est systématiquement efforcé de réduire au silence ces voix témoins de ses crimes. Depuis le début de la guerre en octobre 2023, plus de 200 journalistes et travailleurs des médias, pour la plupart palestiniens, ont été tués dans l’exercice de leurs fonctions. Selon les données des Nations unies, ce chiffre dépassait les 240 en août 2025 ; certaines sources estiment que le nombre de journalistes tués approche les 270. Ces chiffres représentent la période la plus meurtrière de l’histoire des conflits modernes pour les journalistes. De plus, le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), une organisation respectée de défense de la liberté de la presse, a révélé qu’une part importante de ces décès correspond à des exécutions délibérées. Selon les recherches du CPJ, au moins 26 journalistes ont été directement ciblés et tués par les forces israéliennes, ces cas étant classés par l’organisation comme des « assassinats ».

Cherchant à dissimuler la terrible destruction à Gaza aux observateurs internationaux, le gouvernement israélien a également interdit l’accès de la région aux journalistes étrangers. Par conséquent, ce qui se passe à Gaza n’a été montré au monde que par l’objectif des journalistes palestiniens. Mais Israël ne recule devant rien pour éliminer ces derniers témoins. D’après les données du CPJ, environ deux tiers des journalistes tués à Gaza ont péri lors de frappes aériennes ; les autres ont été visés délibérément, notamment par des drones. L’armée israélienne déclare chaque journaliste palestinien comme un potentiel « terroriste » afin de justifier son élimination. Cette méthode est une tactique fréquemment utilisée par les régimes autoritaires pour discréditer les journalistes critiques et, malheureusement, Israël peut l’appliquer sans rencontrer de forte réaction internationale. En conséquence, à Gaza, la liberté de la presse est littéralement devenue la cible des bombes et des balles. En d’autres termes, tenter de pratiquer un véritable journalisme et de rapporter les faits sur Gaza revient à risquer sa vie.

La stratégie israélienne de museler les journalistes reflète également un objectif de mener une « guerre sans témoins ». Si les personnes documentant des pratiques constituant des crimes contre l’humanité sont éliminées, il ne restera plus personne pour raconter au monde ce qui s’est passé. Ainsi, le fait que l’armée israélienne n’hésite pas à frapper les bureaux de presse, les véhicules de presse et même des reporters portant des gilets pare-balles marqués « PRESS » s’inscrit dans une stratégie délibérée d’occultation. Selon le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, attaquer intentionnellement des journalistes dans des zones de conflit constitue un crime de guerre ; mais cette réalité juridique ne change rien à la situation sur le terrain. En bafouant les principes fondamentaux du droit, Israël assassine des journalistes tout en se réfugiant derrière la rhétorique de la « sécurité », tandis que les réactions en provenance de l’Occident restent extrêmement faibles.

Anas al-Sharif : Comment la Voix de Gaza a été Réduite au Silence ?

Anas al-Sharif, devenu l’un des symboles des attaques contre la presse à Gaza, est un exemple frappant illustrant l’attitude des médias occidentaux. Anas était un jeune reporter travaillant pour le bureau d’Al Jazeera à Gaza, et il s’était consacré pendant plus de 22 mois à transmettre au monde la vérité depuis une Gaza assiégée. Le 10 août 2025, alors qu’il se trouvait dans une tente de presse installée près de l’hôpital Al-Shifa, dans la ville de Gaza, il a été tué avec quatre de ses collègues lors d’une frappe ciblée de l’armée de l’air israélienne. Peu après l’attaque, l’armée israélienne a publié un communiqué accusant Anas al-Sharif d’être « affilié au Hamas » et assumant ouvertement l’assassinat. Cette accusation, avancée sans aucune preuve tangible, faisait partie de la stratégie qu’Israël applique depuis des années : tuer d’abord le journaliste, puis salir sa réputation. Par le passé déjà, des journalistes palestiniens tués par les forces israéliennes avaient été soit présentés comme ayant été « touchés par erreur dans les affrontements », soit accusés de « travailler pour une organisation terroriste » afin de les discréditer. Le cas d’Anas ne fut pas différent.

Ce discours israélien a également trouvé sa place dans de nombreux médias occidentaux. Le titre utilisé par une grande chaîne d’information internationale pour annoncer la mort d’Anas et d’autres journalistes d’Al Jazeera était édifiant : « Israël tue un journaliste d’Al Jazeera qu’il affirme travailler pour le Hamas ». Ce type de manchette, en reprenant sans filtre la version de l’agresseur, risque de légitimer le meurtre aux yeux du lecteur. Une partie des médias occidentaux, en relayant sans les remettre en question les « preuves » controversées fournies par l’armée israélienne, devient, consciemment ou non, un outil de cette guerre de propagande. Pourtant, comme en témoignent ses collègues et sa famille, Anas al-Sharif n’était coupable que d’une chose : être la voix de Gaza. On sait que les autorités israéliennes l’avaient menacé, laissant entendre qu’il paierait s’il continuait ; son père avait déjà été tué dans une attaque, et lui-même finit par être pris pour cible. Anas savait en permanence que sa vie était en danger et avait dû vivre séparé de ses enfants pour les protéger. Peu avant sa mort, il avait envoyé un message à un ami, conscient de son destin : « Je ne quitterai Gaza que pour aller au paradis ».

L’assassinat d’Anas al-Sharif fut la conséquence tragique de la politique israélienne visant à faire taire les vérités dérangeantes. Mais les seuls responsables ne sont pas ceux qui ont appuyé sur la gâchette ; ceux qui ont relayé ce crime en violation de l’éthique journalistique portent aussi une part de responsabilité. Selon les principes du journalisme, toute accusation doit être examinée et vérifiée de manière impartiale ; pourtant, certains médias occidentaux ont repris à la une les accusations infondées de « terrorisme » lancées par Israël contre Anas, foulant aux pieds leur responsabilité professionnelle. Cette attitude est aussi préoccupante que l’attaque physique d’Israël, car ce langage qui transforme les porteurs de vérité en cibles prépare le terrain pour que d’autres journalistes soient tués à l’avenir. Les institutions censées défendre la liberté de la presse produisent, au contraire, des justifications à l’assassinat d’un journaliste. En ce sens, une grande partie des médias occidentaux assume une complicité morale dans la mort d’Anas al-Sharif.

En conclusion, face au drame humain qui se poursuit à Gaza, l’attitude des médias occidentaux se révèle de manière inquiétante empreinte de double standard, réduisant la Palestine au silence, légitimant Israël et devenant complices d’un génocide. Bien que les actions d’Israël à l’encontre des Palestiniens portent clairement les signes du crime de génocide tel que défini par le droit international, les organes médiatiques qui influencent le monde ont été réticents à le dire ; certains ont même explicitement choisi la voie du déni ou de la justification. Cette complicité discursive ne se contente pas de déformer la réalité : elle crée aussi un terrain favorable permettant à Israël d’échapper à toute reddition de comptes. En ne réagissant pas fermement face au massacre massif de journalistes et à la suppression du droit à l’information par les bombes, chaque média devient, qu’il le veuille ou non, complice de ce crime.

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