Le président français a perdu presque toute son influence politique intérieure depuis les élections anticipées ratées de l’année dernière, et il dispose de très peu de marge de manœuvre pour influencer cette course critique dans la course. De plus, il semble peu probable que ni Philippe ni Retailleau ne fassent campagne pour “sauver le macronisme” ; au lieu de cela, ils chercheront à raviver la droite centriste — socialement conservatrice, économiquement libérale et moins enthousiaste envers l’Union européenne — représentée autrefois par les anciens présidents Jacques Chirac ou Nicolas Sarkozy.
Toutes les dernières élections en France ont réservé leur lot de surprises, mais à chaque fois, la structure fondamentale de la course était prévisible. Ce n’est désormais plus le cas.
L’élection présidentielle française de 2027 s’annonce comme la plus incertaine de l’histoire récente.
Lors des cinq ou six derniers scrutins du pays, bien que des surprises et des rebondissements aient eu lieu, la dynamique générale de la course était toujours identifiable deux ans avant l’échéance. Ce n’est plus vrai aujourd’hui.
Plusieurs raisons expliquent cela : un climat généralisé de mécontentement à l’égard de la politique, l’effondrement de l’ancien clivage gauche-droite, la faiblesse d’un président sortant qui ne peut pas se représenter et qui a peu d’influence sur le choix de son successeur, ainsi que les incertitudes économiques, politiques et géopolitiques mondiales exacerbées par le retour possible de Donald Trump à la présidence des États-Unis.
En outre, cette fois-ci, l’identité même des candidats reste particulièrement floue, car le centre macroniste est largement fragmenté.
Jusqu’au mois dernier, la course à la succession de Macron semblait limitée à deux anciens Premiers ministres : Édouard Philippe, chef du parti Horizons (centre droit), et Gabriel Attal, actuel leader du parti Renaissance de Macron. Mais désormais, tous deux ont pris leurs distances avec le président, essayant de séduire sa base électorale progressiste sur le plan social, pro-européenne et favorable au monde des affaires tout en s’éloignant d’un président impopulaire au bilan controversé.
Les sondages montrent que Philippe dispose d’une nette avance dans cette bataille au centre, recueillant entre 21 et 24 % d’intentions de vote au premier tour. Attal, quant à lui, se situe autour de 14 à 15 %. Pendant ce temps, la possible candidature du ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau connu pour ses positions fermes menace de transformer cette “guerre du centre” en une lutte à trois.
Retailleau, qui dirige les Républicains, un parti gaulliste traditionnel aujourd’hui fortement affaibli, devrait presque à coup sûr être le candidat de sa formation. Ce scénario met en concurrence directe trois des quatre principaux dirigeants des partis de la coalition présidentielle, créant une situation intrinsèquement explosive.
Le président français a perdu presque toute son influence politique intérieure depuis les élections législatives anticipées ratées de l’année dernière, et il dispose de très peu de marge de manœuvre pour influencer cette “course dans la course” cruciale. De plus, il paraît peu probable qu’Édouard Philippe ou Bruno Retailleau fassent campagne pour “sauver le macronisme” ; ils chercheront plutôt à raviver la droite centriste socialement conservatrice, économiquement libérale et moins enthousiaste à l’égard de l’Union européenne autrefois incarnée par les anciens présidents Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy.
Du côté gauche, la scène est encore plus encombrée. Le candidat d’extrême gauche éternel Jean-Luc Mélenchon, bien qu’il soit l’une des figures les plus impopulaires de la politique française, recueille entre 13 % et 15 % d’intentions de vote au premier tour. Son taux d’opinions défavorables dépasse les 70 %. Comme toujours, bien qu’il n’ait pas encore officiellement annoncé sa candidature, il semble probable qu’il se présente, ce qui rend difficile l’émergence d’un candidat unique et rassembleur à gauche.
Pourtant, le candidat modéré et pro-européen le plus en vue à gauche est Raphaël Glucksmann. Député européen, Glucksmann a surpris par ses bons résultats aux élections européennes de 2024, et il est actuellement crédité d’environ 10 à 11 % dans les sondages. Lui comme Mélenchon ont annoncé qu’ils ne participeraient pas à une primaire pan-gauche.
Pendant ce temps, l’anciennement puissant Parti socialiste du centre gauche est divisé entre une aile radicale et une autre réformatrice, favorable à l’Europe. Son Premier secrétaire, Olivier Faure, de tendance plus à gauche, espère devenir candidat à la présidentielle de 2027 après avoir conservé de justesse son poste pour un quatrième mandat. Mais au moins deux figures montantes de l’aile modérée du parti, Carole Delga, présidente de la région Occitanie dans le sud-ouest, et Karim Boumrane, maire de Saint-Ouen en banlieue parisienne prévoient de s’opposer à lui.
Dans l’ensemble, il semble donc probable qu’il y aura jusqu’à huit candidats issus de la gauche dans la course présidentielle d’ici la fin de l’année prochaine.
Mais être en tête dans le camp de l’extrême droite ne garantit pas non plus la victoire.
En mars, malgré une décision de justice interdisant à la cheffe de l’opposition Marine Le Pen de se présenter pendant cinq ans, les résultats dans les sondages du Rassemblement national restent solides. Dans toutes les enquêtes récentes, Le Pen et son adjoint Jordan Bardella obtiennent plus de 30 % des intentions de vote au premier tour. Si ces chiffres se confirment en avril 2027, l’un des deux entamera le second tour prévu le mois suivant en position de favori mais cela ne garantit en rien une victoire.
Les taux d’opinions défavorables à l’égard de Le Pen comme de Bardella restent très élevés entre 47 % et 49 % ce qui rend extrêmement difficile pour eux d’atteindre les 50 % nécessaires pour l’emporter.
Depuis la décision de justice, les relations entre les deux dirigeants se sont détériorées. Le Pen continue de se considérer comme la candidate du Rassemblement national jusqu’au processus d’appel prévu l’année prochaine, et elle est irritée par les suggestions, venant tant du camp Bardella que des médias, selon lesquelles ce dernier serait désormais le véritable candidat. Dans ce contexte, elle n’a cessé de souligner la jeunesse et le manque d’expérience de Bardella. Toutefois, ces tensions n’ont pas encore eu d’impact sur leur popularité commune dans les sondages.
Bien entendu, à près de deux ans de l’élection, les sondages portant sur le second tour restent rares. Cependant, plusieurs enquêtes récentes menées par Ifop et Odoxa indiquent qu’Édouard Philippe pourrait battre à la fois Le Pen et Bardella, tandis que Bruno Retailleau ou Gabriel Attal risqueraient d’être battus. Ainsi, l’issue du scrutin dépendra largement de l’identité du candidat arrivé en deuxième position au premier tour — et si les candidats centristes et de gauche restent au coude-à-coude jusqu’au bout, cet écart pourrait ne se jouer qu’à quelques milliers de voix.
En résumé, Emmanuel Macron a bel et bien un problème de succession et il ne lui reste plus beaucoup de temps pour le résoudre.
*Mujtaba Rahman est directeur pour l’Europe chez Eurasia Group. Il est présent sur Twitter sous le pseudonyme @Mij_Europe.
Source: https://www.politico.eu/article/emmanuel-macron-presidential-race-2027-succession-france-eu/