La Déconnexion des Marchés Financiers de l’Économie Réelle et l’Économie Mondiale

Alors que les élections et les décisions économiques aux États-Unis et en Europe rendent le monde encore plus imprévisible, il est légitime de se demander si une transformation capable de rééquilibrer les marchés financiers et l’économie réelle est réellement envisageable. Toutefois, les moments de crise sont aussi ceux où émergent les plus grandes opportunités de changement. Peut-être que notre monde est à l’aube d’un tel tournant et qu’il parviendra à remettre de l’ordre dans un système économique qui le mène à sa perte. Qui sait…
février 10, 2025
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Autrefois un outil de soutien à l’économie réelle, les marchés financiers semblent progressivement devenir une fin en soi en raison de l’essor des activités spéculatives, de la quête de profits à court terme et de la prolifération d’instruments financiers complexes. En devenant une finalité en eux-mêmes, ils s’éloignent rapidement de leur raison d’être initiale, à savoir soutenir l’économie réelle. Leur nature spéculative fragilise les économies à l’échelle mondiale et engendre des risques susceptibles de menacer la stabilité du système économique, comme le monde l’a fréquemment expérimenté au cours des 30 à 40 dernières années.

La Déconnexion des Marchés Financiers de l’Économie Réelle et la Fragilisation de l’Économie Mondiale

Les marchés financiers sont considérés comme la colonne vertébrale de l’économie moderne de libre marché. En effet, on attend d’eux qu’ils facilitent l’allocation du capital, rendent les investissements possibles dans l’économie réelle et soutiennent la croissance dans les secteurs industriels et de services. Historiquement, on peut dire qu’ils ont partiellement rempli ces attentes. Les marchés financiers ont d’abord permis la formation de l’épargne, puis ont facilité la transformation de cette épargne en investissements productifs, favorisant ainsi l’innovation, l’emploi et le développement économique.

Cependant, aujourd’hui, il est bien plus difficile de parler de ce rôle traditionnel des marchés financiers. Autrefois un outil au service de l’économie réelle, ils semblent de plus en plus devenir une fin en soi, en raison de l’essor des activités spéculatives, de la recherche du profit à court terme et de la prolifération d’instruments financiers complexes. En devenant une finalité en eux-mêmes, ils s’éloignent rapidement de leur raison d’être initiale, accélérant leur déconnexion de l’économie réelle. Leur nature spéculative rend les économies vulnérables à l’échelle mondiale et génère des risques susceptibles de menacer la stabilité du système économique, comme le monde l’a fréquemment expérimenté au cours des 30 à 40 dernières années.

La déconnexion des marchés financiers de l’économie réelle a véritablement commencé au milieu des années 1970 et s’est accélérée après les années 1980 avec la libéralisation des flux de capitaux internationaux, l’essor de la mondialisation et le développement des technologies facilitant la gestion du capital et de la monnaie. Tous ces facteurs ont également favorisé l’augmentation des activités spéculatives, souvent opaques et complexes. L’équilibre entre la monnaie et l’or, rompu dans les années 1970, a ouvert la voie à l’existence d’une monnaie numérique circulant grâce aux avancées technologiques, bien que cette monnaie n’ait plus de véritable équivalent matériel. De plus, contrairement aux marchés réels, les marchés financiers ne sont soumis à aucune contrainte de taille de marché ou de capacité de production pouvant limiter leur expansion. Ainsi, la finance a connu une croissance fulgurante. L’absence de ces restrictions a facilité la concentration du capital entre les mains d’une petite minorité, transformant celui-ci en un outil purement spéculatif bien plus facilement que dans l’économie réelle. Cette situation a rendu toutes les économies mondiales, y compris les plus fermées, vulnérables aux crises et fragiles face aux chocs financiers.

Alors qu’autrefois, les instruments financiers servaient principalement à financer des projets industriels et d’infrastructure à long terme, la libéralisation amorcée dans les années 1980 a détourné ces instruments vers des investissements spéculatifs et à court terme (que l’on pourrait qualifier de pari financier). Le marché s’est transformé au point que le trading à haute fréquence, les produits dérivés et les opérations à effet de levier sont devenus la norme. Un écosystème financier basé sur la volatilité, la fragilité, le risque et la spéculation a ainsi vu le jour. Cette évolution est en totale contradiction avec la raison d’être initiale des marchés financiers. Aujourd’hui, on peut même dire que l’économie réelle est devenue un simple outil au service des marchés financiers.

Cette inversion des rôles a réduit l’attrait des investissements concrets ayant une existence tangible, entraînant un afflux massif de capitaux et d’épargne vers les marchés financiers. Les pays ont progressivement perdu leur capacité d’autosuffisance en matière de production, les secteurs économiques traditionnels sont devenus moins productifs et les emplois stables et sécurisés se sont raréfiés. Parallèlement, des paradis de production à faible coût de main-d’œuvre et de fiscalité, comme la Chine, le Bangladesh et plus récemment l’Égypte, ont émergé. Alors que ces évolutions se déroulaient dans l’économie réelle, les marchés financiers ont continué de croître en lançant constamment de nouveaux instruments et en amplifiant leur influence sur l’économie mondiale.

Le rôle des entreprises technologiques dans ce processus ne peut être ignoré. Au cours des vingt dernières années, des entreprises comme Apple, Amazon et Microsoft sont devenues des acteurs dominants de l’économie mondiale, avec des capitalisations boursières dépassant le PIB de nombreux pays. Bien que ces entreprises aient joué un rôle indéniable dans l’innovation et la transformation de notre mode de vie, leur contribution à l’économie réelle en termes d’emploi et de production reste limitée. Par exemple, Apple, dont la valeur de marché dépasse 3 000 milliards de dollars, n’emploie qu’environ 150 000 personnes dans le monde. En revanche, des géants industriels traditionnels comme Toyota, bien que leur valeur boursière soit bien inférieure, emploient des millions de travailleurs.

De même, les entreprises détenues par Elon Musk, qui jouissent aujourd’hui d’une renommée mondiale, tirent une grande partie de leurs revenus des mouvements spéculatifs sur les marchés financiers. Les montants que Musk gagne – et parfois perd – sur le marché des crypto monnaies et en bourse sont équivalents aux revenus nationaux de nombreux pays. Ces écarts et cette ampleur financière illustrent clairement la déconnexion entre les marchés financiers et l’économie réelle. L’hyper-financiarisation du secteur technologique a favorisé un modèle où la richesse est créée non pas par la production de biens et de services, mais par les mouvements de capitaux spéculatifs et les valorisations boursières.

Un autre facteur critique contribuant à cette rupture entre les marchés financiers et l’économie réelle est la domination du dollar américain en tant que monnaie de réserve mondiale. Le rôle central du dollar dans le système financier international confère aux États-Unis un pouvoir économique unique sur les dynamiques mondiales. Cependant, cette domination crée aussi d’importantes vulnérabilités, en particulier pour les pays émergents. Les décisions de politique monétaire de la Réserve fédérale américaine (FED), telles que les hausses des taux d’intérêt ou l’expansion monétaire, ont des répercussions mondiales. Par exemple, lorsque la FED augmente ses taux d’intérêt pour lutter contre l’inflation, cela entraîne souvent des sorties de capitaux des pays en développement, une dévaluation de leurs monnaies, une hausse de leur endettement et une instabilité économique. La crise financière mondiale de 2008 en est une illustration frappante. Après la crise, la FED a injecté des milliers de milliards de dollars dans le système financier, mais cette liquidité s’est dirigée en grande partie vers des actifs spéculatifs plutôt que vers des investissements productifs. Les pays en développement, dépourvus d’outils pour gérer ces flux de capitaux, ont souffert de crises monétaires et de récessions économiques.

Les crises financières récurrentes dans les pays en développement mettent en évidence la fragilité du système économique mondial. Au cours des quarante dernières années, le monde a été témoin de nombreuses crises financières dévastatrices, de la crise de la dette en Amérique latine dans les années 1980 à la crise financière asiatique de la fin des années 1990, en passant par les crises récentes en Turquie et en Argentine. Toutes ces crises ont un point commun : elles sont souvent déclenchées par des chocs extérieurs tels que des fluctuations soudaines des taux d’intérêt mondiaux ou des mouvements de capitaux, plutôt que par des facteurs économiques internes. La dépendance au dollar américain et l’absence d’une architecture financière mondiale diversifiée rendent les pays émergents vulnérables aux caprices des marchés financiers internationaux. Cette vulnérabilité s’est accrue à mesure que ces pays se sont intégrés davantage au système financier mondial, les rendant plus sensibles aux mouvements spéculatifs et aux contagions financières.

Les conséquences de cette déconnexion sont profondes. Sur le plan macroéconomique, la dissociation croissante entre les marchés financiers et l’économie réelle favorise la formation de bulles d’actifs, accroît la volatilité économique et entraîne des crises financières plus fréquentes. Sur le plan social, la croissance des marchés financiers profite de manière disproportionnée à une élite restreinte, exacerbant ainsi les inégalités de revenus. La concentration de la richesse entre les mains de quelques-uns affaiblit la cohésion sociale et alimente l’instabilité politique dans de nombreuses régions du monde. De plus, la quête de profits à court terme entraîne une négligence des investissements à long terme dans des secteurs essentiels tels que l’éducation, la santé et les infrastructures, érodant ainsi davantage les bases d’une croissance économique durable.

Répondre à ces défis nécessite une refonte en profondeur du système financier mondial. L’une des priorités doit être de contrôler les activités spéculatives et d’orienter les capitaux vers des investissements productifs. Cela pourrait être réalisé par une réglementation plus stricte des marchés financiers, incluant l’imposition de taxes sur les transactions spéculatives et l’adoption de mesures visant à décourager la recherche de profits à court terme. Par ailleurs, il est nécessaire de réduire l’hégémonie du dollar américain dans le système financier mondial. Cela pourrait passer par la promotion de l’utilisation de monnaies régionales dans les échanges internationaux et l’exploration du potentiel d’alternatives comme l’euro ou le yuan chinois en tant que devises de réserve. La diversification de l’architecture financière mondiale permettrait d’atténuer les vulnérabilités actuelles et de créer une économie mondiale plus équilibrée et résiliente.

Un autre domaine de réforme essentiel concerne la réduction de la dépendance aux énergies fossiles et aux matières premières. La dépendance de l’économie mondiale aux combustibles fossiles et à d’autres ressources limitées a non seulement contribué à la dégradation de l’environnement, mais aussi généré des fragilités économiques. Les investissements dans les énergies renouvelables et les technologies durables pourraient réduire ces dépendances et créer de nouvelles opportunités de croissance économique. De même, la diversification des chaînes d’approvisionnement mondiales et la réduction de la dépendance à certaines régions pour des intrants critiques renforceraient la résilience de l’économie mondiale.

En conclusion, la rupture entre les marchés financiers et l’économie réelle est l’un des défis les plus urgents auxquels le système économique mondial est confronté aujourd’hui. La domination croissante du capital spéculatif, la concentration des richesses et l’influence disproportionnée du dollar américain créent un environnement économique fragile et instable. Résoudre ces problèmes nécessite une approche globale et coordonnée visant à repenser l’architecture financière mondiale, à renforcer la réglementation des marchés financiers et à recentrer l’économie sur une croissance durable et inclusive. Faute de telles réformes, l’économie mondiale restera vulnérable à des crises récurrentes, et le fossé entre les marchés financiers et l’économie réelle ne fera que se creuser davantage, avec des conséquences profondes sur la stabilité économique et la cohésion sociale.

Alors que les élections et les décisions économiques aux États-Unis et en Europe rendent le monde encore plus imprévisible, il est légitime de se demander si une transformation capable de rééquilibrer les marchés financiers et l’économie réelle est réellement envisageable. Toutefois, les moments de crise sont aussi ceux où émergent les plus grandes opportunités de changement. Peut-être que notre monde est à l’aube d’un tel tournant et qu’il parviendra à remettre de l’ordre dans un système économique qui le mène à sa perte. Qui sait…

J’ai veillé à respecter le style et le ton du texte original, tout en assurant une fluidité naturelle en français. Si vous souhaitez des ajustements, n’hésitez pas !

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