Il faut des excuses pour ne pas déposer les armes, mais de la raison et de la responsabilité pour le faire

L’appel d’Öcalan est parfaitement clair. Ce qui a été discuté et la feuille de route sont nets. Malgré cela, ceux qui adoptent une approche cherchant des excuses doivent se demander à quoi ils servent – c’est leur problème. Pour comprendre la source et la motivation des prétextes avancés ces jours-ci, il est utile de se rappeler les déclarations faites par l’organisation après le 28 février 2015.
mars 27, 2025
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L’appel d’Öcalan est parfaitement clair. Ce qui a été discuté et la feuille de route sont nets. Malgré cela, ceux qui adoptent une approche cherchant des excuses doivent se demander à quoi ils servent – c’est leur problème. Pour comprendre la source et la motivation des prétextes avancés ces jours-ci, il est utile de se rappeler les déclarations faites par l’organisation après le 28 février 2015.

 

« On ne peut aller nulle part avec les voitures du passé… »

  • Maxime Gorki

L’un des principaux sujets ayant marqué les 40 dernières années de la Turquie est les activités terroristes menées par le PKK. Ce problème ne se limite pas à un enjeu sécuritaire ; il a également des répercussions politiques, économiques et sociales. Aborder tous les problèmes liés aux activités terroristes est directement lié à l’élimination des armes du débat. L’un des principaux résultats du retrait des armes est de pouvoir discuter des problèmes existants et produire des solutions. C’est pourquoi l’appel d’Öcalan – « Les raisons qui ont motivé la création de l’organisation ont disparu, déposez les armes et dissolvez l’organisation » – est significatif. Cette demande ne se réduit pas à une simple requête ; elle reflète l’esprit de notre époque, les nécessités géopolitiques, les conditions historiques et l’évolution sociale.

Le Mécanisme de Production d’Excuses

Le contenu de l’appel est parfaitement limpide. Ce qui a été discuté et la feuille de route sont nets. Malgré cela, ceux qui cherchent des excuses et produisent des prétextes doivent se demander à quoi ils servent – c’est leur problème. Les citoyens de ce pays connaissent très bien cette approche basée sur l’excuse ainsi que ceux qui la soutiennent. Revenons un instant au processus de février 2015.

Deux déclarations ont été faites dans le cadre du processus de résolution en Turquie. La première, en mars 2013, appelait l’organisation à déposer les armes et à quitter le pays. La seconde, le 28 février 2015, appelait l’organisation à cesser d’utiliser les armes contre l’État de la République de Turquie. Ces deux déclarations reflétaient clairement la position du fondateur de l’organisation. Ceux qui ont assumé des responsabilités politiques dans ce processus et les dirigeants de Kandil le savent très bien. Pour comprendre la source et la motivation des prétextes avancés aujourd’hui, il est utile de se remémorer les déclarations faites par l’organisation après le 28 février 2015 et les excuses qu’elle a inventées.

Que s’est-il Passé Après la Déclaration de Dolmabahçe ?

28 février 2015 : À Dolmabahçe, un appel a été lancé au PKK pour qu’il dépose les armes.

28 février 2015 : Mustafa Karasu, membre du KCK, a déclaré immédiatement après cet appel : « Si le gouvernement est sérieux, qu’il nous permette de rencontrer Öcalan. » Il a ensuite ajouté : « Dire que le PKK déposera les armes et organisera un congrès pour annoncer cette décision avant que le problème ne soit résolu est une pure démagogie. » Karasu, représentant un courant différent de l’organisation, a poussé la rhétorique encore plus loin : « On parle maintenant de résoudre la question kurde, et même l’AKP essaie de créer la perception que le PKK abandonnera la lutte armée. Mais sans négociation entre Apo et le PKK, sans solution à ce problème, toute idée selon laquelle le PKK va abandonner les armes et organiser un congrès pour le faire est une pure démagogie. » Avec ces mots, il a clairement affiché leur volonté de blocage du processus.

5 mars 2015 : Cemil Bayık a déclaré : « D’abord une solution, ensuite le dépôt des armes. »

11 mars 2015 : Cemil Bayık et Bese Hozat ont affirmé que « les déclarations selon lesquelles le PKK déposerait les armes ne sont qu’une propagande électorale de l’AKP. » Ces deux figures du PKK ont insisté sur le fait que « cette décision ne pourra être prise que lors d’un congrès auquel Öcalan devra participer en personne. » Ils ont déclaré : « Le PKK ne fera pas cette annonce tant qu’Öcalan ne sera pas libéré. Sans ces avancées, sans donner confiance à notre mouvement, à notre peuple et aux forces démocratiques de Turquie, il est impensable que le congrès se réunisse et prenne une telle décision. »

Un journaliste a alors demandé à Cemil Bayık : « Si Öcalan participait au congrès par téléconférence ou envoyait un message, cela suffirait-il pour que vous preniez la décision d’abandonner la lutte armée contre la Turquie ? » Bayık a répondu : « Non. Nous organiserons un congrès quand nous le voudrons, mais cette décision ne pourra être prise que lorsque notre Leader rencontrera directement la guérilla. »

De son côté, Bese Hozat a déclaré : « Si on regarde la situation de manière réaliste, les conditions pour mener le processus de résolution à l’extérieur ne sont pas réunies. Notre Leader doit mener ce processus depuis İmralı en tant que principal négociateur. Mais il est évident que si nous devons organiser un congrès, notre Leader devra y intervenir. »

12 mars 2015 : Sabri Ok a déclaré : « Après la déclaration de Dolmabahçe du 28 février, aucun accord n’a été conclu, aucune paix n’a été établie et aucune nouvelle étape n’a été franchie pour une solution. Les affirmations selon lesquelles le PKK abandonne les armes sont les opinions d’un groupe dogmatique. » Avec ces mots, il a clairement montré sa position.

Les Conséquences de la Production d’Excuses

Lorsque l’on prend en compte ces déclarations, il apparaît clairement que l’organisation avance des conditions techniquement impossibles afin de vider de son sens l’appel au dépôt des armes et de produire des excuses. Cette attitude revient à « gagner du temps ». L’unique objectif de la déclaration faite à Dolmabahçe le 28 février 2015 était que l’organisation annonce officiellement qu’elle déposait les armes. C’était aussi la demande et l’attente du peuple. En d’autres termes, il s’agissait de mettre fin à l’usage des armes et de la violence comme instruments de discussion. Au lieu de répondre positivement à cet appel, Kandil a préféré produire des excuses plutôt que de dire clairement : « Nous ne sommes pas partants. »

Que s’est-il passé ensuite ?

L’organisation a donné l’ordre de proclamer l’autogestion. Certains individus ont tenté de mettre cet ordre à exécution. Kandil est allé plus loin en essayant d’étendre le terrorisme aux villes. En tentant de créer des « zones libérées », il a cherché à instaurer l’idée d’une fragilité de l’État. Cette attitude de Kandil a coûté la vie à des milliers de personnes et a détruit plusieurs villes. Une large partie des Kurdes a alors commencé à remettre en question l’existence de l’organisation et ses véritables objectifs. Ceux qui faisaient des déclarations quotidiennes sur le processus de paix à Kandil sont devenus silencieux et invisibles après ces événements.

Que se passe-t-il aujourd’hui ?

Aujourd’hui, Kandil répète les mêmes erreurs du passé. Nous savons tous que le cœur des négociations et donc du processus repose sur le dépôt des armes. Car une fois les armes mises de côté, il y aura beaucoup de choses à discuter. Mais la priorité est d’abord que les armes disparaissent. C’est d’ailleurs ce qu’a explicitement exprimé le leader de l’organisation. Dès lors, soit les exigences du texte rédigé par le leader de l’organisation seront respectées, soit il faudra déclarer ouvertement que ce texte et son auteur ne sont pas reconnus. Il s’agit d’une question sérieuse qui ne peut être gérée sur la base d’exigences non discutées. Et encore moins utilisée comme un outil de polémiques politiciennes ou de débats stériles. Ce sujet est essentiel pour la sécurité des personnes et des biens. Personne ne doit exploiter les démarches entreprises, maintenir les Kurdes en ligne de front ni exercer une tutelle sur eux.

La première étape du processus était l’annonce de l’appel, la deuxième est que l’organisation prenne la décision de se dissoudre. C’est ce qui est attendu. Tout ce que la politique aura à faire viendra après que cette décision aura été prise. L’annonce de Bahçeli, le processus initié avec l’approbation et le soutien du président Erdoğan, ainsi que la position ferme du gouvernement et des institutions concernées en témoignent. Certains membres de l’organisation, en revanche, cherchent à brouiller les pistes, à diluer l’appel et à affaiblir celui d’Öcalan. Or, les affirmations du type « Öcalan est notre volonté, Öcalan est le décideur et nous soutenons son appel » n’ont aucun sens. Il n’y a qu’une seule chose à faire : appliquer cet appel. C’est ce qui est attendu et demandé.

Ce dont nous avons besoin : Une Véritable Responsabilité

Que l’organisation se réunisse ou non est bien sûr sa décision. Mais il sera inscrit dans l’histoire que la main tendue pour une solution a été rejetée une deuxième fois. Plutôt que de produire des excuses, il serait plus honnête d’expliquer pourquoi le dépôt des armes est rejeté et pourquoi l’appel à la dissolution de l’organisation est perçu négativement. Car cela concerne l’ensemble du pays. Prendre la décision de déposer les armes est bien plus précieux que celle de les utiliser. Cet appel ne concerne pas seulement la dissolution de l’organisation ; il ouvre également la voie à une lutte politique civile. Or, une lutte politique se mène en produisant des idées et en s’adaptant aux conditions existantes. Ceux qui ne parviennent pas à développer une stratégie et une tactique en phase avec le cours de l’histoire entraînent les masses qu’ils dirigent non pas vers un objectif, mais vers un précipice.

Pour éviter cela, Kandil doit bien comprendre l’appel et les raisons avancées par son leader, accepter la main tendue et permettre à l’avenir d’émerger.

La suite sera plus simple : les peuples vivant dans le pays et la région construiront un avenir commun dans un climat de dialogue, d’empathie et de compréhension mutuelle, sur une base démocratique, en échangeant leurs points de vue et en s’accordant avec calme et patience. Dans un tel processus, chaque acteur politique, groupe, mouvement et individu exprimera ses idées à égalité, et une base commune émergera progressivement.

Que Kandil prenne ou non la décision de déposer les armes, ce processus se déroulera ainsi. Désormais, c’est la volonté commune des peuples qui façonnera l’avenir. Ce sera un processus où personne n’aura le droit ni l’autorité de parler au nom des autres.

Il est essentiel d’être clair sur un point : la question n’est ni une « victoire » ni une « défaite ». Il ne s’agit ni d’une « guerre » ni d’une « guerre civile ». Il est question de ne pas porter le poids du siècle dernier sur nos épaules, de bâtir un nouveau climat de vie commune dans un monde totalement différent et d’apprendre du passé pour se tourner vers l’avenir. Et cela nécessite une véritable responsabilité.

J’espère que les erreurs du passé ne seront pas répétées et que le processus évoluera de manière constructive pour nous permettre, en tant que  »nous », de discuter de nos propres problèmes. Car ce processus n’a ni perdants ni exclus. Il n’a d’autre objectif que de bâtir une Turquie et une région sans pertes ni divisions. Pour les Turcs, les Kurdes, les Arabes et tous les peuples de la région…

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